LA GUERRE 1914-1918

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L'INVASION

Le 9 août 1914, un ultimatum allemand exigea du Gouvernement belge le passage à travers le pays : le lendemain, il était repoussé.

Le 4 août, les troupes allemandes envahirent la Belgique.

A Fontaine, la fête communale battait son plein quand, sur la place de l'Esplanade, on fit annoncer la nouvelle de la guerre avec l'Allemagne et la mobilisation générale.

Le lundi 10 août, une ambulance de la Croix-Rouge de Belgique fut créée par les docteurs Hautain. Boulanger et Despy : cent dix lits furent installés dans les locaux de l'école communale des filles. rue de l'Enseignement (actuellement rue P. Pastur).

La générosité de la population fut totale : les armoires se remplirent de réserves de toutes sortes y compris de la vaisselle et des objets de toilette : les caves regorgèrent d'aliments et de boissons, la caisse se garnit d'argent.

A cette époque existait chez nous une garde civique dont le commandant était Fernand Duperroy et le capitaine Henri Briard. deux notables fontainois ; elle avait pour but de faire régner l'ordre dans la ville et de garder les voies ferrées.

Le local de l'état-major se situait à l'ancien hôtel de ville.

LA BATAILLE DE LEERNES

Le monument aux soldats français morts dans la bataille de l'Espinette

Le vendredi 21 août. des cyclistes français. couverts de poussière, parcouraient nos routes. Vers neuf heures du soir, le 28e régiment d'infanterie française parti le matin même d'Ham-sur-Heure traversait Leernes et venait passer la nuit à Fontaine.

Vers quatre heures du matin, le samedi, une partie de la troupe se remit en route alors qu'une importante arrière-garde prenait position à la limite de Fontaine et de Leernes.

Vers le plateau de la Plagne d'où se découvrait la route de Charleroi, une batterie de campagne avait scié les pommiers et s'y était installée.

Les fantassins approfondissaient les fossés et confectionnaient de petits parapets de terre.

Dès neuf heures du matin, l'incendie allumé par les Allemands à Monceau-sur-Sambre, dévorait les maisons de la route de Trazegnies ; vers dix heures, la population put entendre le bruit du canon et des mitrailleuses dans la direction de cette commune. Sur la route de Charleroi à Mons, des centaines de personnes alarmées, discutaient en quête de nouvelles. Au Paradis, sur le bord du chemin qui sépare Fontaine de Leernes, une quarantaine de soldats français étaient alignés bien abrités dans le fossé. Le reste du bataillon avait pris position sur une ligne partant de l'actuel cimetière de Leernes jusqu'à la ferme de l'Espinette ; c'est là que. face à Monceau, ils attendirent l'ennemi.

Bientôt deux uhlans apparurent à la lisière du bois de Hameau. à 1.500 mètres. L'un des deux fut abattu ; l’autre tourna bride et rentra dans le bois. Le commandant français jugea bon d'avancer sa ligne de défense ; sur ses ordres, l'extrême gauche demeura au cimetière ; mais toute la ligne pivota pour que l'extrême droite atteignit la ferme de M. Durieux, plus rapprochée de la route de Charleroi-Mons que la ferme de l'Espinette. Les soldats français quittèrent leur position pour aménager la nouvelle ligne ; mais ils n'eurent pas le temps de se protéger ; de partout, sortaient des Allemands venant de Goutroux et du Bois de Hameau : tout le 1e régiment allemand d'infanterie de réserve y était. La défense française fut tenace mais elle comptait à peine 300 fusils face à plusieurs milliers d'Allemands appuyés de mitrailleuses et de canons postés sur le plateau de Goutroux.

Les Français accomplirent des prodiges d'héroïsme : ils ne reculèrent pas mais furent contournés sur leur droite. Le combat inégal dura de dix heures du matin à deux heures de l'après-midi ; postés dans leur grenier, les habitants du hameau des Gaulx purent aisément suivre le combat. A trois heures, tout était terminé et les brancardiers allemands s'occupèrent des blessés.

Vers cinq heures, débordés de travail, ils permirent aux brancardiers fontainois de procéder à la relève des blessés qui furent transportés à 'ambulance de Fontaine-l’Évêque. Là se trouvaient déjà des soldats français qui s'y étaient réfugiés seuls ou aidés par nos concitoyens : 27 blessés allemands et 91 français furent hébergés dans l'école des filles de Fontaine ; mais d'autres furent soignés à l'École des Sœurs de Leernes et à 1'ambulance du domicile du docteur Hautain ; les Allemands avaient également enlevé la grosse partie de leurs blessés. Sur les 125 soldats soignés, tant à l'hôpital de Fontaine qu'à l'ambulance de la rue de l'Enseignement, 12 moururent, dont un Allemand. Le 22 septembre, un médecin allemand, sans pitié pour les blessés hospitalisés, les déclara transportables pour la prison en Allemagne. Le 23, un « train sanitaire » arriva à la pointe du jour en gare de Fontaine ; il se composait de six wagons à bestiaux parfaitement vides et sans personnel. Les brancards durent servir de lits aux blessés et les plus faibles reçurent une couverture ; les Fontainois n'avaient pas oublié de munir chaque soldat de paquets de nourriture et de boissons ; le train n'arriva à Liège que le lendemain dans l’après-midi. Les officiers et soldats qui moururent à Fontaine-l’Évêque furent enterrés au cimetière communal d’où ils furent enlevés en 1917 pour être transportés au cimetière de Collarmont.

LA MORT D'UN BRAVE

Pendant que se déroulait le combat de Leernes, une autre bataille ensanglantait la plaine d'Anderlues. Quatre soldats français blessés étaient couchés à proximité du puits numéro 2 des charbonnages de Fontaine-l’Évêque. Un courageux Fontainois, Léon Gandibleu, attela son cheval dans les brancards de sa charrette et s'en fut les recueillir. Il devait payer de sa vie sa générosité.

Des soldats allemands aperçurent le véhicule et son lourd fardeau humain que Monsieur Gandibleu ramenait vers notre ambulance ; ils s'en approchèrent et déchargeant sur ces malheureux leurs fusils, percèrent de balles cheval, conducteur et blessés. Seul, un soldat français, recouvert par les corps de ses camarades, put être sauvé lorsqu'on enleva les dépouilles des assassinés.

LA CHANCE DE FONTAINE-L'ÉVÊQUE

Le samedi 22 août. pendant que ces combats ravageaient les communes voisines, quatre uhlans venant d'Anderlues arrivèrent à Fontaine par la rue du Repos. Ils traversèrent la ville et s'arrêtèrent sur la Place Frère Orban : là, deux Fontainois : Messieurs Mouchet et Nagels étaient sur le pas de 1eur porte ; le premier s'écria « Vivent les Anglais » tandis que le second caressait la tête du cheval le plus rapproché. Un Allemand demanda où se trouvaient les Français. Ceux-ci avaient pris position, un peu plus loin, au carrefour du Nouveau Philippe. Croyant sincèrement avoir devant lui des Anglais, Monsieur Gustave Nagels répondit : Ils sont là, plus haut. Les quatre uhlans ne demandèrent pas leur reste et firent demi-tour ; il est probable que cette méprise évita de durs combats dans notre ville.

Les Allemands se rendirent alors place communale où ils furent reçus par la garde civique qui les accueillit également aux cris de : Vivent les Anglais. Le chef du petit groupe allemand déclara : Nous, Allemands, Fontaine, fusiller, incendier.

En effet, à Anderlues, un habitant retranché dans sa cave, avait tiré des coups de feu dans les pattes de leurs chevaux. L'officier se croyait toujours à Anderlues et voulait des représailles. On sortit des cartes d'état-major et on lui expliqua qu'ils étaient sur le territoire de Fontaine-l'Évêque. Ils consentirent enfin à descendre de cheval, demandèrent du café mais ne le burent qu'après que les membres présents de la garde civique y aient eux-mêmes goûté. Ils partirent ensuite faire rapport à leurs supérieurs, après avoir confisqué toutes les armes qui se trouvaient à l'hôtel de ville.

Vers six heures du soir, l'infanterie allemande arriva de Forchies où le Bourgmestre Despy, accompagné de ses Échevins, étaient allés les attendre. Toute la troupe traversa une ville aux volets fermés et se dirigea vers Anderlues par le Nouveau- Philippe. Ce fut tout ce que les Fontainois eurent à supporter de leur premier contact avec les Allemands; alors que de nombreuses localités connurent l'incendie, la fusillade et la torture, notre ville échappa heureusement à tous ces malheurs.

LES ANNÉES DE GUERRE

Mais pendant quatre longues années, la population allait subir la misère, la faim et la déportation. Une Kommandantur fut installée sur notre territoire, place du Préau, près de la maison de M. le Doyen, à l'ancien bureau des Postes. Le 1er octobre 1914, le Collège échevinal fut mis dans l'obligation de désigner deux otages pour garantir que les miliciens des classes 1914 et 19 ne quitteraient pas la ville.

Par voie de tirage au sort, furent désignés comme otages Hecq Paul et Engelen Jean ; ils furent conduits en voiture à Charleroi sous la surveillance de la police locale. Dès le 13 novembre 1914, fut constitué un comité communal de secours pour venir en aide aux familles nécessiteuses. Du lard, des haricots, du riz, des rutabagas, du pain hollandais, des secours en argent étaient distribués à la population. Une soupe populaire fut même servie chaque midi dans le fond de la Grand’Place; des centaines de Fontainois faisaient la file pour recevoir leur ration quotidienne.

Malgré tout, la faim était le lot de bien des familles. L'insuffisance de nutrition, la consommation exagérée de rutabagas provoquèrent de graves maladies. Nombreux furent les Fontainois qui s'en allaient au loin à la recherche de ravitaillement. La chose était interdite ; aussi revenaient-ils en cachette des Allemands qui, à l'occasion, ne manquaient pas de s'emparer de leur butin. Une ordonnance allemande fixait le couvre-feu à neuf heures du soir ; de plus, les citoyens en âge de porter les armes ne pouvaient se déplacer dans les communes voisines ; chaque mois, ils devaient se présenter au contrôle de l'autorité occupante. Le travail était pratiquement nul et la majorité de la population était en chômage. Les usines de la Fontainoise et de l'Espérance furent longtemps occupées par des troupes allemandes de passage.

En 1915, le Conseil communal décida d'employer de nombreux ouvriers chômeurs pour l’exécution d'un chemin reliant la ville à la route de Charleroi par l'Ermitage (Avenue des Déportés). En 1916, il fit déblayer le dernier tronçon des vieux remparts par les chômeurs (Boulevard du Midi).

Cette même année, les coins de terre se révélant insuffisants vu la grande misère, le Comité du ravitaillement décida de diviser en lots la partie de parc non ensemencée pour permettre aux chômeurs d'y cultiver des pommes de terre et des légumes. C'est aussi en cette année 1916 que les Allemands rassemblèrent les sans-travail de Fontaine et de Forchies sur la place communale ; on les conduisit à Marchiennes dans les ateliers Germain. De là, ils partirent en déportation pour l’Allemagne dans des trains à bestiaux Certains ne revinrent pas...

La région de Saint-Quentin ayant été évacuée, de nombreux Français réfugiés furent hébergés chez les Fontainois et à l'école des Sœurs de Sainte-Marie, jusqu'en 1918. Durant la guerre, un skating que les Fontainois appelaient « le patin à roulettes » existait rue de Beaulieusart, face à l’actuelle Cité Chavée : les Allemands y avaient parqué les prisonniers anglais. Cette prison fut bombardée en 1918. Il y eut sûrement des tués, mais les Allemands les emmenèrent en cachette durant la nuit.

Cette même année 1918, une épidémie dite « fièvre espagnole » se déclara dans le pays ; à Fontaine, il y eut 236 morts cette année-là pour 127 la première année de la guerre et 139 en 1919. Ceux qui en réchappèrent connurent une longue maladie.

Le 12 novembre 1918, lendemain de l’Armistice, les Anglais étaient déjà dans nos murs ; ils étaient accompagnés de Canadiens, d'Hindous et d’Australiens. Ils se contentèrent de traverser la ville mais ne s'y arrêtèrent pas.

Quand nos déportés rentrèrent dans leurs foyers, ils étaient presque tous méconnaissables tant la consommation presque exclusive de rutabagas avait gonflé et déformé leurs traits.

En 1919. le 2e Régiment de Chasseurs à pied, à son retour d'occupation en Allemagne trouva la caserne de Charleroi occupée. L'État-major du régiment et un bataillon composé de quatre compagnies, commandé par le major Stroobants débarquèrent à la gare de Fontaine-l'Évêque le 23 mars vers minuit. Les bureaux de l'État-major furent installés sur la grand’place au café portant l'enseigne : « Aux Armes de la Ville » ; les compagnies furent logées chez l'habitant : la première, route de Mons et environs ; la deuxième, rues de la Bouverie, de Binche et d’Henrichamps; la troisième, rues des Clouteries, des Gaulx et de la Briqueterie ; la quatrième, également dans les environs de la route de Mons. 

Le château Bastin, aujourd'hui palais de Justice

Le colonel B. E. M. Panhuys occupa un appartement dans le château Bastin, place des écoles tandis que le major Stroobants fut accueilli dans la propriété du notaire Briard (actuellement notaire Lambin) rue de la Station. Le départ de ces troupes, rejointes par le 2e bataillon logé à Leernes, eut lieu le 17 mai 1919 dans la matinée. Musique en tête, drapeau largement déployé, les soldats quittèrent notre ville, accompagnés durant plusieurs kilomètres, par de nombreux Fontainois. 

Les années suivantes, de grandes fêtes eurent lieu en l'honneur du 2e Chasseurs ; certains revinrent même s'y fixer définitivement après avoir épousé de jeunes Fontainoises.