FONTAINE-L’ÉVÊQUE AU XIXe SIÈCLE

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LES OCCUPATIONS FRANÇAISE ET HOLLANDAISE

De 1794 à 1814, le Hainaut fit de nouveau partie de la République Française sous la dénomination de département de Jemappes. La configuration de notre province était à peu près celle du Hainaut actuel.

Le 13 novembre 1795, la municipalité de Fontaine avait accordé au seigneur de Fontaine, le Comte Charles de Rodoan et à son épouse Marie de Mérode, l'autorisation de vendre et d'exploiter leurs coupes de bois pour payer leurs impositions et réparer le château rendu inhabitable par les dévastations commises par les armées françaises.

Le début du 19ème siècle allait voir la tranquillité se rétablir peu à peu à Fontaine-l'Évêque.

Le 3 mai 1802, les magistrats publièrent, au milieu de l'allégresse générale, au son des cloches et du bruit des canons et de la mousqueterie, le concordat conclu entre le Saint-Siège et le Gouvernement français. Les autorités se rendirent en cortège à l'église St-Vaast où fut chanté un Te Deum solennel. Le conseil municipal célébra le couronnement de l'Empereur en accordant une dot de 200 frs, le 6 décembre 1807, à une jeune Fontainoise, à condition qu'elle prenne pour époux un militaire ayant fait la guerre au service de Napoléon.

Le 27 mars 1811, à l'occasion de la naissance du fils de l'Empereur, le petit roi de Rome, le conseil décida de pourvoir à l'éducation d'un enfant né à la même date (le 20 mars) dans la ville ou à défaut dans le département de Jemappes.

Quant à l'Empereur, il sembla accorder urne attention particulière à notre ville ; il nous dota de la route de Charleroi à Binche qui fut inaugurée en grande pompe à Fontaine le 9 décembre 1810.

La route de Binche à Charleroi

Lors de cette cérémonie, le Baron de Fréville, préfet du département de Jemappes, prit la parole et déclara notamment : c’est au mois de septembre 1807 que Sa Majesté a ordonné qu'une route fût ouverte de Binche à Charleroi et Fleurus. Naguère, l'Empereur avait poussé le char de la Victoire jusque sur les bords du Niemen. Le char du Triomphateur, décoré des palmes de la Paix, venait de le ramener dans la capitale de son Empire. Au milieu des hommages de ses peuples. parmi les transports de l'allégresse publique, dans tout l'éclat de sa gloire, cet auguste monarque a daigné fixer son attention sur les intérêts de cet arrondissement.

Les cris de « Vive l'Empereur. Vive Napoléon le Grand ! » se firent entendre à plusieurs reprises au cours de cette cérémonie à laquelle assistaient encore le Sous-Préfet de l'arrondissement de Charleroi, A. Maght. maire de Fontaine-l’Évêque et J.-M. Renaux, doyen des commerçants de Fontaine-l'Évêque.

Après la retraite de Russie, Fontaine-l’Évêque voulant témoigner de sa fidélité à l'Empire, envoya à Napoléon, le 23 janvier 1813, une adresse dans laquelle on lui offrait deux cavaliers montés et équipés aux frais de la ville.

En 1814 et en 18 l5, nous dûmes faire face à de fortes dépenses pour le logement de troupes ; après la bataille de Waterloo le nombre de Prussiens en garnison chez nous s'élevait à 911 officiers et 57.990 sous-officiers et soldats. Devant l’importance de cette armée, un commandant de place fut nommé et la kommandantur fut installée à l’hôtel de ville (actuel Palais de Justice). L’empereur Napoléon dans son désir de conquérir l’Europe, avait dressé tous les peuples contre lui ; il succomba sous la coalition.

La France perdit ses conquêtes en Belgique et par les traités de Paris en 1814 et de Vienne en 1815, nous étions rattachés à la Hollande.

Le 20 mars 1815, en présence d’un détachement de hussards anglais en garnison dans nos murs, on lut aux Fontainois la proclamation du roi Guillaume de Hollande qui fut accueillie aux cris de « Vive le Roi des Pays-Bas ». Et pourtant, cette réunion de notre pays à la Hollande allait frapper d'un coup terrible notre industrie cloutière.

Dès 1814, nos produits furent prohibés en France, notre meilleur client. La travail à Fontaine se fit rare : certains fabricants émigrèrent dans le nord de la France avec leurs ouvriers. Devant cette pénible situation, le Conseil de Régence de Fontaine-l'Évêque adressa en 1819 au Gouvernement une requête qui expliquait le départ de l’industrie cloutière de ses capitaux et de ses ouvriers. Pour y remédier, le Conseil préconisait l'ouverture d’une chaussée de Fontaine à Gosselies par Forchies et Courcelles afin de faciliter l'écoulement de nos produits vers le nord du pays.

Sous le régime français, notre administration était composée d'un maire, de cinq municipaux et d'un conseil ; ensuite d'un maire, de deux adjoints et d’un conseil municipal ; mais sous le régime hollandais, en 1817, on nomma un Bourgmestre, deux échevins et un conseil de Régence qui devait devenir le conseil communal.

L'arrêté du 8 avril 1818 partageant le Hainaut en six districts plaça Fontaine-l’Évêque dans celui de Charleroi avec le rang de chef-lieu de canton. Le 18 février 1819, l'hôtel de ville brûla et presque toutes les archives disparurent.

Le plus ancien registre des séances du conseil communal que nous possédions encore va de l'an 1800 à l'an 1819.

Le 27 septembre 1827, Guillaume Ier, roi de Hollande, autorisait Pierre Camille Montigny, Fontainois né en 1793, à monter dans sa fabrique d'armes un appareil pour l'éclairage public et privé par le gaz. Les premières concessions de gaz à Bruxelles datent de 1810. Des essais avaient été faits à Londres en 1815; à Paris, la première installation avait été réalisée en 1824. Berlin et Vienne n'ayant employé ce procédé qu'en 1828-1829, Fontaine-l’Évêque est donc la deuxième ville de Belgique et l'une des premières du monde qui fut éclairée par ce nouveau procédé. Cette usine à gaz se situait dans la maison construite à l’angle de la Grand-rue et de la rue du Marché (actuellement Maison Lecoq) ; elle fonctionna pendant de nombreuses années.

Le gazomètre restauré de Pierre-Camille Montigny

En 1828, furent démolies plusieurs tours du château dont le donjon. À la même époque, la Duchesse de Brancas, comtesse de Rodoan et châtelaine de Fontaine donna l’hospitalité, dans une tour que l’on montre encore aujourd'hui, à Bourrienne, secrétaire et ancien compagnon d’études de Napoléon. C'est au château de Fontaine qu’il écrivit ses « Mémoires sur Napoléon, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Restauration ».

Il termine l'avertissement placé en tête de ces écrits par ces mots : Je n'oublierai jamais que c'est dans ces jardins sous leurs beaux ombrages que j'ai médité sur les chances et les souvenirs d’une vie agitée et que je revis pour ainsi dire dans les temps où j'ai déjà vécu. Au château de Fontaine-l'Évêque (Royaume des Pays-Bas) ce 1er mars 1829.

LA RÉVOLUTION DE 1830

En 1830, les provinces belges se révoltèrent contre la domination hollandaise. La ville de Fontaine-l’Évêque prit une part active à ce mouvement : le 12 septembre, le drapeau aux couleurs brabançonnes flottait au sommet des deux églises.

Le 24 septembre, les Fontainois se réunirent sur la place communale, devant l’hôtel de ville : là, François Bélière, brigadier des gardes de la duchesse de Brancas fit appel aux volontaires pour aller à Bruxelles défendre la Belgique.

François Fauconnier, maître-tailleur, posa le même geste.

Vingt-huit volontaires furent rapidement inscrits. Mais plusieurs d’entre eux n'avaient ni armes, ni argent. Un appel fut fait à la générosité publique et en une demi-heure, on recueillit 400 frs.

Une partie de cet argent fut distribuée à ceux qui allaient au secours de Bruxelles, l'autre fut consacrée à l'achat des armes. Le lendemain, aux premières heures du matin, les 28 volontaires sortirent de la ville, précédés d'un tambour et d'un drapeau brabançon. En tête marchaient Bélière et Fauconnier reconnus comme chefs.

Puis venait une musique dont les airs guerriers réchauffaient les cœurs. Plus de cinq cent habitants suivirent le petit groupe jusqu'à une demi-heure de marche de la ville.

Avant de se séparer, on s'embrassa mutuellement et on s'adressa de part et d’autre des paroles d’encouragement et de patriotisme (extrait du Courrier des Pays-Bas, du 5 octobre 1830).

Les Fontainois n'arrivèrent dans la capitale que le 26, vers quatre heures de l'après-midi. Ils se rendirent à l'hôtel de ville d'où on les dirigea vers la prison des petits Carmes dont on leur confia la garde. Un certain nombre se rendit néanmoins place Royale et prit part aux dernières actions de cette mémorable journée. Unis aux volontaires de Binche, de Gosselies et de Couvin, les Fontainois attaquèrent l'ennemi à Vilvorde le 26 septembre. Ils les poursuivirent dans la suite jusque Sempt et Eppeghem ; ils participèrent à différents engagements à Walhem et à Lierre et ne s'arrêtèrent que sous les murs d'Anvers.

Ils assistèrent au bombardement de notre métropole commerciale par le général Chassé et ne rentrèrent dans leur foyer qu'après la conclusion de l'armistice signé le 4 novembre.

Le 27 septembre 1832, le bourgmestre Ghislain-Bouly accompagné de deux anciens volontaires : Fauconnier François et Rose Remy se rendirent à Bruxelles pour recevoir des mains du Roi un drapeau d'honneur portant en lettres d'or : A la commune de Fontaine-l'Évêque. La patrie reconnaissante.

Le 30 septembre, de grandes fêtes furent organisées; un cortège composé de l'administration communale, des volontaires et de la garde civique attendit à la Barrière (Nouveau-Philippe), la députation revenant de Bruxelles avec le drapeau d'honneur. Ils se rendirent à l'église St-Christophe puis défilèrent par la rue de Binche, le rempart, la rue de la Bouverie, la grand-rue jusqu'à la place communale. Là, un détachement de volontaires déposa le drapeau dans les bâtiments communaux où un grand bal fut donné le soir.

Chaque année, à l'occasion des fêtes de Septembre, 
une cérémonie rassemble des Fontainois devant la stèle commémorative

Depuis cette date. le drapeau d'honneur est exposé à l'hôtel de ville.