DU XIVe AU XVIIIe SIÈCLEFONTAINE-L'EVEQUE, VILLE FRANCHEFontaine-l'Évêque, située à la frontière des pays nerviens et aduatiques, vit cette frontière confirmée au Moven-âge. Non seulement son territoire était partagé en deux paroisses bien distinctes, l'une relevant de l'évêché de Cambrai, l'autre de celui de Liège, mais encore elle fut l'objet des convoitises politiques du Comté de Hainaut et de la Principauté de Liège. Cette position favorable permit à la ville de jouir d'une certaine indépendance durant quatre siècles ; elle n'envoyait de députés ni aux États du Hainaut, ni à ceux de Liège et se qualifiait de franche et souveraine. Le seigneur battait monnaie et exerçait la justice en son nom propre ; les habitants ne payaient l'impôt ni à l'un ni à l'autre de ces États. Cette situation eût pu être bénéfique pour la cité si, à plusieurs reprises, le seigneur n'avait montré un penchant pour le Hainaut alors que la population prenait le parti de la principauté de Liège. De là découlèrent de nombreuses occupations du territoire, des incendies et des ruines. LES ÉVÈNEMENTS POLITIQUESDéjà en 1313, Guillaume Ier le Bon, comte du Hainaut et Adolphe, évêque de Liège. avaient rédigé un mémoire par lequel ils choisissaient la ville de Fontaine-l'Évêque comme lieu de réunion des arbitres pour le cas où une contestation surgirait entre les gens des deux pays. En 1395, les bourgeois de Fontaine avaient à se plaindre du non-respect de certaines chartes et privilèges par leur seigneur Baudouin VI de Hennin qui voulait substituer à la loi de Liège celle du Hainaut ; la Cour de Fontaine, formée des notables de la ville déclara que Fontaine était du jugement des échevins de Liège quoiqu'elle eût cependant des droits et privilèges particuliers. Ces mêmes magistrats fontainois formèrent en outre une confédération avec les 13 villes de la Principauté de Liège ; celles-ci promirent « confort et assistance » à Fontaine pour lui assurer la libre jouissance de ses droits et privilèges. Mais en 1408, les 13 villes se révoltèrent contre leur prince-évêque Jean de Bavière ; elles firent appel à l'aide des bourgeois de Fontaine tandis que le seigneur soutenait l'évêque. Cela dégénéra en une véritable guerre locale entre le châtelain et ses vassaux ; les bourgeois de Fontaine brûlèrent le château tandis que les hommes du seigneur s’en prenaient à la ville : la maison communale fut vraisemblablement incendiée puisque la fameuse charte de 1212 disparut lors de cette émeute. En 1441, Baudouin VII de Hennin, nouveau seigneur de Fontaine et neveu du précédent, abandonna la politique suivie jusqu'alors par ses prédécesseurs et reconnut la souveraineté de la principauté de Liège sur Fontaine-l'Évêque afin que ses successeurs ne puissent attenter aux chartes, libertés et privilèges et n'y introduisent aucun usage du pays de Hainaut. Malgré cela, de nouvelles querelles se présentèrent dans les années qui suivirent. En 1465, Philippe le Bon, duc de Bourgogne, poursuivait la constitution d'un état important dont le Hainaut ferait partie. Ses troupes furent envoyées à Fontaine pour défendre la ville contre les Liégeois ; de simples escarmouches eurent lieu, mais une garnison fut laissée dans nos murs pendant de longs mois. En 1502, suite à de nouveaux démêlés, Marguerite d'York, veuve de Charles le Téméraire, dans une sentence arbitrale, confirma les droits de la ville avec appel, en dernier ressort, aux échevins de Liège pour les causes jugées par la Cour de Fontaine. En l554, la guerre entre Henri II, roi de France et Philippe II, roi d'Espagne et souverain des Pays-Bas ramena les Français chez nous ; ils assiégèrent la ville de Binche, brûlèrent les châteaux de Mariemont et de Trazegnies. Notre ville paya également un lourd tribut : le château fut incendié ainsi que l'église St-Christophe. Avec le règne de Philippe II, le Hainaut fut soumis à la domination espagnole. Il devint un véritable champ de bataille, car la France d'une part aspirait à l'hégémonie de l'Europe, la Hollande d'autre part se soulevait sans arrêt pour se libérer de la tutelle espagnole. Pour comble de malheur, la peste, triste conséquence de la guerre, fit son apparition à Fontaine comme dans tout le pays ; elle fit de nombreuses victimes et les terres restèrent longtemps incultes, faute de bras. En 1604, quinze compagnies de Hollandais qui parcouraient le Hainaut arrivèrent à Fontaine-l’Évêque ; ils pillèrent la ville et firent des dégâts de toutes sortes ; ils firent servir l'église St-Vaast d'écurie pour leurs chevaux. En 1608, c'était le tour des soldats espagnols de tenir garnison en notre ville sous la direction de l'officier Pedro Hortado. En 1629, des religieuses résidant à Philippeville demandaient la permission d'ériger un couvent des Récollectines dans nos murs ; le Baron de Fontaine, Gabriel de Herzelles, leur donna l'autorisation. Le couvent installé au coin de la place (actuellement Don Bosco) prospéra rapidement ; les religieuses donnaient l’instruction aux jeunes filles de la noblesse du pays. La communauté se composait de 32 religieuses y compris la sœur supérieure et la sous-supérieure.
En 1649, une supplique du père Fortemps exposait que les 2 religieux attachés aux sœurs hospitalières ne pouvaient suffire pour entendre les confessions, quoique aidés par les curés de la ville. La même année, six pères récollets vinrent s'établir à Fontaine et ouvrirent en 1653 un couvent à l'endroit où se trouve aujourd'hui l'hôtel de ville et le parc communal. Il renfermait une belle église, un collège pour les humanités et un grand jardin. Albert de Rodoan, seigneur de Fontaine, avait fourni la grosse partie du terrain nécessaire.
En 1652, deux compagnies françaises logèrent à Fontaine à charge pour la ville de fournir le fourrage. Entre-temps, les querelles continuaient entre le Hainaut et Liège sur l'appartenance de la ville. En 1681, certains habitants s'étant adressés au Conseil de Mons, les magistrats de Fontaine s'en plaignirent au Conseil privé du Prince-Évêque qui ordonna d'agir criminellement contre les mutins. En 1693, après la bataille de Neerwinden, le maréchal de Luxembourg fit le siège de Charleroi ; l'aile gauche de l'armée française logea à Fontaine-l’Évêque ; à cette occasion, la ville fut pillée et le couvent des Récollets comme celui des Récollectines furent entièrement dévastés. Les troupes françaises tinrent garnison jusqu'en 1697, date de la paix de Rijswik qui restituait à l'Espagne plusieurs villes dont Binche et Fontaine. En abandonnant notre cité, les troupes françaises commirent de nouvelles déprédations et s'emparèrent des vivres et des fourrages des habitants. Aussi en 1698, une disette affreuse fut le lot de notre ville. Une autre en 1709 causa une misère extrême à un point tel que les curés des deux paroisses et le mambour des pauvres durent emprunter de l'argent sur les biens des pauvres pour pouvoir acheter du grain et venir en aide aux malheureux. En 1736, le seigneur imposa aux habitants à titre de corvée, la démolition d'une partie des remparts, ceux qui refusèrent de travailler durent payer une forte amende. Entre-temps, les querelles subsistaient et elles ne cessèrent pas davantage quand s'établit en Belgique la domination autrichienne. Il fallut qu'en 1757, le gouvernement des Pays-Bas, au nom de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, prit possession de notre ville pour qu'elle fût définitivement rattachée au Hainaut: Malgré les réclamations des Liégeois, l'impératrice tint bon et fit même établir des droits d’entrée et de sortie.
Le Palais de Justice vers 1920 - Aujourd'hui, les Ets Scaillet Après avoir abandonné l'ancienne maison communale dont le beffroi s'était écroulé en 1712, on inaugura en 1751 le nouvel hôtel de ville qui existe encore aujourd’hui sous le nom de Palais de Justice. En 1768, une nouvelle disette se présenta ; pour combattre la famine, une halle aux grains fut ouverte au rez-de-chaussée de l'hôtel de ville (On y voit encore les traces intérieures) et le Conseil des Finances édicta de mesures pour faire parvenir du grain à la halle de Fontaine. En 1782, un grand incendie consuma quatorze maisons dans tout le quartier de la Bouverie, en suite de quoi fut démolie la porte de la Bouverie. Du 21 décembre 1789 au 26 novembre 1790, la Belgique connut une première période d'indépendance grâce à un mouvement révolutionnaire qui proclama la déchéance de Joseph II. Ce mouvement s'étendit à notre ville ; Fontaine envoya des patriotes à la révolution brabançonne et logea des troupes belgiques. La révolution de 1790 échoua et les armées autrichiennes occupèrent de nouveau notre cité. Au carnaval de 1792, une ordonnance communale défendit de se masquer ou de se déguiser en aucune manière ; les bals publics et divertissements pouvant ameuter le public furent interdits. En cette année 1792, la République française prit l'offensive et porta ses armes dans toute l'Europe ; elle envahit le Hainaut et s’en empara après la bataille de Jemappes. Pendant la campagne de Sambre et Meuse et durant six semaines, Fontaine fut pris et repris par les Autrichiens campés à Forchies et par les Français qui occupaient le plateau de l'Espinette dominant Leernes et Landelies. C'est de l’Espinette que les troupes françaises commandées par les généraux Pichegru et Charbonnier, partirent pour aller incendier l'Abbaye d'Aulne, Lobbes et Mariemont. En 1794, les alliés austro-hollandais repoussèrent l'armée française de Marceau au-delà de la Sambre et occupèrent notre ville ; ils la perdirent peu après, mais un corps d'armée commandé par le Prince d'Orange la reprit pour la laisser quelques temps après et définitivement aux mains des Républicains. À cette occasion, on planta l'arbre de la liberté à Fontaine, le 3 thermidor de l'an 11 (21 juillet 1794) au son des cloches et des instruments de musique ; le soir, on illumina. En 1795, la ville de Thuin fut choisie comme siège d'un tribunal correctionnel ; comme elle ne disposait pas de locaux suffisants, ce tribunal fut établi à Fontaine-l'Évêque et dura jusqu'en 1798. De 1794 jusqu'en 1796, le couvent des Récollets, après avoir été occupé par les troupes hollandaises, servit de caserne à la cavalerie française ; déjà en 1795, la suppression des deux couvents avait été prononcée. Les derniers religieux quittèrent l'édifice le 31 janvier 1797. Fontaine devait encore souffrir beaucoup de l'occupation française : le domaine du château fut dévasté, les églises converties en écuries, les archives communales et paroissiales brûlées, les objets du culte emportés. Une misère terrible s'abattit sur la ville et dura toute une année. On eut recours à l’emprunt et on engagea les bois communaux pour acheter du seigle qui fut distribué aux pauvres et aux indigents. L'ÉCONOMIE LOCALEComme on le voit, pendant cinq cents ans, la ville de Fontaine-l'Évêque connut tous les maux imaginables : la guerre, la peste, l'incendie, la ruine, la famine. Et pourtant, notre population ne restait pas inactive. Une verrerie fut installée à Leernes par une famille fontainoise d’origine vénitienne. Elle y prospéra de 1438 à l559. Elle fut tellement appréciée que le 8 mars 1467, Charles le Téméraire accorda des lettres de noblesse à Maître ]ean Colnet et Colart, son fils, 4 voirriers de la voirrerie de Fontaine-l'Évêque. Charles-Quint accorda aussi des privilèges le 1er décembre l531 à Englebert de Colnet, fils de Colart, lequel avait un second fils du même nom qui continuait à faire marcher les fours à voirre, de notre ville. Fontaine-l'Évêque peut donc être considérée comme le berceau de l'industrie du verre en Belgique, industrie qui émigra par la suite vers Jumet et Lodelinsart. Dans un État de la terre de Fontaine , datant de la dernière moitié du XVIIe siècle, il est signalé l'existence de « Chaufours et Carrières , appartenant moitié à la ville, moitié au seigneur. A côté de ces entreprises, on exploita en 1731 sur notre territoire plusieurs carrières de marbre blanc veiné de rouge. Un transport de marbre depuis la carrière Stenuick vers la gare de Fontaine-l'Évêque Quant au charbon, il était extrait depuis des siècles, à ciel ouvert. mais pour des besoins personnels. C'est le 13 octobre 1756 que nous trouvons le plus ancien acte de concession par lequel Michel Camille de Rodoan, baron de Fontaine, concède à Godefroid Thiry et Consorts, la faculté de travailler des veines de houille qui se trouvent dans le bois de la Charbonnière et terres de Fontaine. En 1764, l'industrie cloutière comptait 17 forges produisant 84000 livres de clous et et occupant 84 ouvriers. De nombreux autres métiers étaient encore exploités en ces temps, notamment la brasserie, la meunerie, la tannerie, la fabrication de chaînes, la chapellerie, la savonnerie, le filage du lin, la fabrication de tabac en carotte. Mais l'agriculture restera malgré tout et jusqu'au XIXe, la principale source de revenus des habitants ; plus de 3/4 de la superficie du sol étaient consacrés au travail de la terre et faisaient vivre près de 500 personnes. Si nous ajoutons à cela le commerce local, deux marchés par an et deux foires par an, nous aurons une idée de la réelle importance de Fontaine-l’Évêque durant de nombreux siècles. |