LES FÊTES
LES SORCIÈRES DE LEERNES
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Fêtes
mœurs
usages
La
fête communale est fixée au dernier dimanche du mois d'août.
Le
pèlerinage aux reliques de Saint Quirin attire à Leernes une grande affluence
de monde, le 30 avril, jour de sa fête, le dimanche suivant et durant toute
l'octave.
Le
premier dimanche de juillet a Lieu, au hameau de Wespes, à l'occasion de la
Saint-Pierre, une coutume dont on n'a pu me faire connaître l'origine. Les
jeunes hommes vont de porte en porte, dès le matin, recueillir du lait, des
oeufs, des « mastelles » et de l'argent, en chantant devant chaque
maison le refrain ci-après :
Nous nous
recommandons, madame,
A
votre générosité,
Nous
ne taxons personne,
Vous
donnez ce que vous voulez
Mais
le plus content que nous sommes
C'est
quand on nous donne beaucoup.
Après
chaque don volontaire qui leur est fait, les collecteurs crient : Vive
Saint-Pierrot.
Tout
ce qui a été recueilli est porté dans une maison située sur la place - tantôt
l'une, tantôt l'autre - où l'on en fait une espèce de soupe appelée « tchaudia »,
chaudeau.
Dans
l'après-midi, la musique, suivie de toute la jeunesse, se rend à la ferme
Marcq où la fermière leur remet la canne-major après l'avoir ornée d'un
bouquet. En guise de remerciement, les jeunes gens chantent un couplet de leur
chanson. Le cortège retourne ensuite sur la place.
Pendant ce
temps, on a préparé le chaudeau, dont une partie a été versée dans cinq ou
six cuveaux,
dits scadias, que, deux à deux, les jeunes filles prennent par les poignées
pour faire trois fois le tour de la place précédées de la musique et suivies
par la jeunesse. Les scadias sont alors déposés à terre et les enfants
en mangent le contenu, au moyen de cuillers dont ils se sont munis, en riant,
criant, se barbouillant le visage.
On
retourne ensuite à la maison, où le reste du chaudeau a été versé dans des
soupières que les jeunes filles enlèvent, pour aller, en cortège, les déposer
sur une table dressée sur la place et garnie d'assiettes et de cuillers.
Quelques
jeunes hommes prennent alors place sur le kiosque et entonnent la chanson
traditionnelle, en douze couplets et autant de refrains, qu'ils appellent le
bénédicité.
La
chanson terminée, les jeunes gens vont offrir les assiettes remplies de
chaudeau, aux étrangers qui circulent sur la place.
Les
charivaris qui, autrefois, se pratiquaient, notamment en cas d'infidélités
conjugales constatées, tendent à disparaître des mœurs des habitants. Le
dernier qui eut lieu à Wespes, il y a quelques années, n'eut qu'un
commencement d'exécution, la police l'ayant empêché.
Les sorcières de Leernes
Au
XVlIe siècle, Leernes vit s'élever plusieurs fois le bûcher où furent étranglés
et brûlés des malheureux condamnés pour crimes de sorcellerie.
A
cette époque où la croyance à la sorcellerie était pour ainsi dire générale,
on était enclin, par ignorance et superstition, à attribuer à certains maléfices
les événements tels que les accidents, les maladies de gens et de bestiaux,
etc., qui se produisaient. De là, des soupçons qui se portaient le plus
souvent sur de pauvres vieilles femmes, des dénonciations suivies d'enquêtes
et d'informations effectuées par les officiers de justice du lieu, et dont le résultat
était porté, pour recharge, à la connaissance des échevins de Liège, juges
souverains.
Ceux-ci, au
vu des pièces, et lorsque les soupçons étaient fondés, condamnaient appréhensibles
les inculpés qui étaient emprisonnés, examinés, interrogés et confrontés
avec les témoins.
Le dossier
de l'instruction était ensuite soumis aux mêmes échevins qui, s'ils
reconnaissaient que les faits étaient suffisamment établis, et ils l'étaient
presque toujours par suite de la facilité avec laquelle on croyait au
surnaturel - condamnaient les accusés, malgré leurs dénégations, d'abord
à un examen amiable, consistant à les visiter pour reconnaître s'ils ne
portaient pas de marque de sorcellerie sur le corps, ensuite, au besoin, à être
mis à la torture froide et chaude et à être appliqués à la veille(attacher
l'inculpé par le corps et les bras, debout, les pieds touchant le sol, et l'empêcher
de dormir pendant un certain nombre d'heures),
à l'effet de connaître leurs délits et leurs complices ; on parvenait ainsi
à obtenir leurs aveux sur lesquels les juges, dont la conscience était ainsi
à l'aise, se basaient surtout pour prononcer leur sentence de mort, sans tenir
aucun compte des rétractations ultérieures des malheureux suppliciés.
On
trouve dans les registres aux rôles criminels du grand greffe de Liège,
plusieurs jugements rendus en matière de sorcellerie contre des hommes, des
femmes et même de jeunes garçons de Leernes.
Les
dossiers de ces affaires n'ont pas été retrouvés jusqu'ici ; néanmoins,
j'ai pu suivre les phases de procédures et connaître les noms des condamnés,
ainsi que les sentences rendues.
La première
mention que j'ai rencontrée dans les registres précités, se rapporte à la
recharge du 20 août 1616, par laquelle les échevins de Liège, condamnèrent
appréhensibles, c'est-à-dire ordonnèrent de les arrêter, la veuve Martin Cavée
(Jehenne Cavée), Franch Parent et son épouse, Gertrude femme Michiel Modquin,
Martin del Coubonde et Willame Renard ; ils autorisèrent, en outre, le seigneur
ou son officier de
Leernes à se plaindre du fils de Franch Parent et de Nicolas del Coubonde, se réservant
de statuer ultérieurement au sujet des autres inculpés.
En vertu
d'une ordonnance du 11 septembre 1616 des échevins, Jehenne Cavée et Gertrude
femme Michiel Modquin
furent condamnées à être mises à la torture froide et chaude.
Le 26 du même
mois, les échevins ayant vu « les examens rigoreuses et confessions
faites par Jehenne Cavée, prisonnière, rechargèrent la cour et justice de
Leerne et Wespes, de
condamner la susdite
à être conduite au lieu de
supplice et illecque applicquée à une estache et estre estranglée et bruslée.
tant que mort s'ensuive, à l'exemple d'autres, et en cas qu'elle persiste en
ses accusations jusques à la mort, de condamner appréhensibles Isabeau vefve
Pierre Pouillon, Magotte Fouron, Françoy Parent, Fermen de Bourdeau, Querin
Caubas, Pauline femme Anthoine le Visse, la femme Jean Bado appelée Péronne,
et la femme Jean le Turcqz, comme inculpés sur les dites accusations ; et en
cas qu'elle persiste
comme dessus, de
condamner Gertrude, femme Michiel Modquin à la veille, pour connaître ses délits
et complices.
Les
personnes ci-après furent successivement condamnées, après avoir subi la
torture, à être étranglées et brûlées, pour l'exemple, en vertu des
recharges des 7janvier 1617, 20 mars 1617, 31 mars 1617, 8 juillet 1617, 2 et 22
décembre 1617
-
Gertrude,
femme Michiel Modquin
-
Peronne,
veuve Jean Bado ;
-
Françoy
Parent, dont le corps fut réduit en cendres après avoir été brûlé ;
-
Marie
du Bourdeau, veuve Françoy Gobineau
-
Anne
de Ghymerée, dite Janjan
-
Querin
Caubas.
Il y a lieu
de faire remarquer toutefois, que la cour et justice de Leernes et Wespes,
ayant, après la condamnation d'Anne
de Ghymerée, fait des remontrances aux échevins de Liège, touchant celle-ci
et Querin Caubas, les dits échevins, par la sentence du 16
décembre 1617, déclarèrent que les
preuves et accusations demeuraient « en leurs forces et vigheur » et
rechargèrent de condamner le susdit Querin à être
appliqué à une torture, et en cas qu'il ne confesse rien, de le condamner à
la veille pour savoir ses autres faits, délits et complices, ajournant la décision
à l'égard d'Anne de Ghymerée dite Janjan, jusqu'après l'examen de l'interrogatoire
de Querin Caubas.
Le dossier
ayant été revu, les échevins, par jugement du 22 décembre 1617, déjà cité,
rechargèrent de condamner ce dernier à être étranglé et brûlé, et
« s'il persiste en ses accusations jusqu'à la
mort, de condamner Anne Janjan, dite de
Ghymerée, à la même peine ». Comme aucune mention n'est plus faite au
registre des rôles criminels, au sujet de cette femme, on peut croire qu'elle
fut exécutée, en vertu de la recharge précitée.
Françoy
Parent, condamné le 31 mars 1617, ayant été accusé de sorcellerie par
Jehenne Cavée, dénonça à son tour les fils de celle-ci, appelés Martin et
Jacques Cavée (ou Chavée).
Vu leur
jeune âge, et
les preuves recueillies ayant, sans doute,
été jugées insuffisantes pour établir leur culpabilité, les échevins de Liège
prièrent la cour de Leernes, le 6 avril 1617, de faire connaître leur conduite
depuis qu'ils étaient emprisonnés ; de plus, le 24 du même mois, après
avoir revu le dossier, ils les firent amener « en la ferme (prison) »
de Liège, pour être examinés par eux, avant de statuer.
Cet
examen ayant eu lien, les échevins, au vu des confessions (aveux) des prévenus,
condamnèrent à la mort Martin Chavée, fils « ordonnant de le faire
disposer à icelle et, ce fait, sera dans la prison, par le maître des oeuvres,
estranglé tant que mort s'ensuive et de là son corps sera enseveli en terre
saincte, en cas qu'il meurt repentant. Et quant à Jacques, fils Martin Chavée,
frère du dit Martin, luy serat montré le corps mort de son frère et déclaré
le subject pourquoy il est mort, pour, après, être exorcisé et confirmé, et
au moyen de ce, le relaxons en chargeant la communauté de le faire bien
instruire et y tenir la bonne main ». La sentence portait, de plus, que
diverses personnes désignées seraient appréhensibles, Si le condamné
persistait dans ses accusations jusqu'à la mort.
Jacques
Cavée fut de nouveau appréhendé à la suite des dénonciations faites par
Anne, fille Grégoire Fléchier, et Marie du Bourdeau, et condamné à être étranglé
dans la prison, par recharge du 4 août 1617, qui ordonnait, en outre, d'appréhender
plusieurs personnes dénoncées par le condamné, dans le cas où il
persisterait jusqu'à la mort dans ses accusations.
Parmi
ces personnes, il y a lieu de mentionner un jeune frère de Martin et de Jacques
Cavée (ou Chavée), nommé Michiel Cavée, qui fut mis à la torture froide et
chaude, ensuite de la recharge du 11 août 1617.
Les échevins
de Liège ayant vu les pièces du dossier, ensemble les accusations faites par
Jacques Chavée, exécuté, rechargèrent, le 22 août suivant, de relaxer le
dit Michiel, en le condamnant aux frais, et de faire appréhender plusieurs
personnes inculpées par les dénonciations du même.
Les pièces
ci-devant analysées établissent que les malheureux
soumis à la
torture, interrogés par les officiers de justice,
accusèrent de sorcellerie des personnes qu'ils avaient soi-disant rencontrées
au sabbat, d'autres, à l'égard desquelles
ils
nourrissaient quelque animosité, d'autres encore, qu'ils
ne connaissaient pas et
dont ils savaient à peine le nom.
Ces
personnes, dont les greffiers avaient tenu soigneusement note, ayant été
mises en prévention et plus tard appliquées à la torture, à la suite des
enquêtes effectuées, en avaient dénoncé d'autres : ainsi s'explique le
grand nombre de procès de sorcellerie qui furent jugés à Leernes, pendant les
années 1616 et 1617.
Plusieurs
de ceux qui avaient été dénoncés, ne furent pas poursuivis, les instructions
et enquêtes faites par la justice subalterne n'ayant rien fait découvrir à
leur charge ; mais ceux que les échevins de Liège condamnèrent appréhensibles,
furent soumis à tous les moyens de procédure en usage alors, et si, à défaut
de preuves, ils furent relaxés, on les condamna aux frais, comme c'était
l'usage, laissant ainsi subsister les soupçons qui les faisaient redouter et
fuir comme des lépreux et des pestiférés.
C'est ainsi
qu'indépendamment de Michel Cavée dont il
a été
question, Quérin Caubas, qui fut exécuté plus tard, et Jehenne Fruillien, épouse
de Loys du bois, de Landelies furent
relaxés, en payant les frais, en vertu des recharges du 19 décembre 1616 et du
17 septembre 1617, cette dernière ayant allégué et établi, devant la cour
et justice de Landelies, qu'il existait des inimitiés entre elle et Marie du
Bourdeau qui l'avait dénoncée.
D'autres
condamnations furent vraisemblablement encore prononcées à Leernes, pour crime
de sorcellerie, pendant le XVIIe siècle, mais le cadre de mon travail étant
limité, j'ai cru devoir cesser mes recherches dont le résultat m'a,
d'ailleurs, paru suffisant pour permettre de se faire une idée du degré
d'ignorance des juges de cette époque, qui, de bonne foi, sans doute, se
croyaient obligés de condamner inexorablement les malheureux accusés, sans
considérer que leurs aveux avaient été arrachés au milieu des tourments.
Une
affaire criminelle dans laquelle fut impliqué Winand de la Jonchière haut-avoué
de Leernes, occupa aussi la cour et justice de cette localité pendant le XVIIe
siècle.
En
vertu d'une recharge du 2 décembre I 626 des échevins de Liège, Winand de la
Jonchière fut condamné appréhensible, ainsi qu'une nommée Marie Fléchier,
par la cour et justice de Leernes ; l'arrêt prescrivait en outre au seigneur ou
à son officier, de se plaindre de Philippe Gobelet, Pierre Pouleur, Jacques
Modquin, Martin Ermel et Jacques Fléchier, comme inculpés dans les faits relevés.
Il s'agissait, semble-t-il, d'un infanticide.
La
haute Cour des échevins de Liège, à qui l'affaire fut de nouveau soumise, se
basant sur un rapport de sage-femme, relatif à un corps mort, ordonna, le 9 août
1628, de faire visiter Marie Fléchier, à l'effet de savoir si elle avait
quelque rupture ; le 11 du même mois, elle condamna l'accusée à être
« mise et appliquée à la veille, l'espace de dix heures ».
L'instruction
de l'affaire fut continuée par Antoine Wolff, bailli de Lobbes et de Leernes ;
elle donna lieu à un arrêt du 6 octobre 1628, des échevins de Liège,
condamnant Marie Fléchier « à être conduitte au lieu du suplice, avec
un escrittau portant ces mots Faux tesmoin, et illecque être pendue et
estranglée à une potence, tant que mort s'ensuive,
à l'exemple d'autres ».
Marie Fléchier
endura la mort, le 11 octobre, sans faire aucune rétractation et sans rien
ajouter à ses dépositions, ainsi qu'il résulte de la déclaration faite le
lendemain aux échevins de Liège, par le maïeur et le maître des hautes oeuvres.
Au
vu de cette déclaration, le bailli de Lobbes, par l'intermédiaire de
Deschamps son facteur, demanda « droit, sentence ultérieure et righeur de
justice contre ceux qui se trouvoient inculpés par les accusations de la
suppliciée, ainsi que par diverses dépositions et preuves ».
Le
12 octobre 1628, faisant droit à cette requête, les échevins condamnèrent
appréhensibles le sieur de Jonchière et Jean Fléchier, « comme inculpés
sur le contenu des accusations de Marie Fléchier et autres preuves résultantes
des acts ».
Winand
de la Jonchière qui ne s'était pas purgé du décret de capture dressé contre
lui, fut ajourné le 24 janvier 1629 par-devant les échevins de Liège, par
Antoine Wolff, bailli de Lobbes. Ayant demandé alors que celui-ci indiquât les
crimes et délits dont on l'accusait, et produisit les preuves, l'affaire fut
remise à huitaine et, comme toutes celles de l'espèce, elle traîna en
longueur. L'accusé ayant produit divers actes de décharge, notamment une
attestation du curé de Leernes, constatant qu'il était un homme vertueux et de
très bonne vie, les échevins de Liège, par recharge du 5 janvier 1632, ordonnèrent
à la cour et justice de Leernes et Wespes, « de faire avancer les preuves
sur les décharges ».
Le
procès suivit son cours et se termina enfin à l'avantage de Winand de la
Jonchière, par sentence du 16 mai 1636.
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